Concours de bière professionnel
La Belgique est sans conteste le pays de la bière par excellence. Aucun pays ne possède une culture et une tradition brassicoles aussi riches que le nôtre. Le fait qu’il ait fallu attendre 2012 avant que le Brussels Beer Challenge ne voie le jour est donc plus que surprenant. Grâce à la riche histoire brassicole anversoise ainsi qu’à la présence de différentes brasseries (De Koninck, Het Pakhuis et Wapper), Anvers a été choisie comme ville hôte pour accueillir la quatrième édition de ce concours de dégustation de bière professionnel de réputation internationale.
Afin de donner une idée du caractère mondial de ce concours, commençons par quelques chiffres. Cette année, pas moins de 1.100 bières y ont été présentées par +/- 500 brasseries de 30 pays. De grands pays brassicoles, comme la Belgique, les États-Unis, le Brésil et les Pays-Bas, ont été talonnés par des pays aussi surprenants que le Cambodge, la Corée du Sud, le Japon et la Colombie. Subdivisées en huit catégories principales (Pale Ale, Flavoured beer, Speciality beer...) et 50 sous-catégories (bières d'abbaye, bières au chocolat, lambic, ...), ces bières ont ensuite été présentées au cours de deux sessions matinales à un panel international de dégustateurs composé de 75 membres du jury venant de 27 pays différents.
Dégustation matinale
Au cours de la deuxième session, le samedi matin, j’ai pu m’installer à la table VIP pour suivre de près le déroulement du Brussels Beer Challenge. À mon arrivée à l'hôtel Elzenveld, un ancien monastère, l'horloge de la cathédrale indique à peine neuf heures, mais le jury, soigneusement réparti sur 15 tables, est déjà en plein travail. Regarder, sentir, déguster et noter : tel est ici l'ordre du jour. Tenir habilement son verre contre la lumière du jour, plonger son nez dans le verre, puis faire valser soigneusement la bière dans la bouche. Curieusement, contrairement aux dégustations de vin, il n’y a pas de seaux pour recracher sur les tables. Pas étonnant que les serveurs tirés à quatre épingles ne tardent pas à apporter, outre les différentes bières, d’énormes cargaisons d’eau !
Les femmes ont plus de papilles
Entre deux tours, je m’entretiens brièvement avec Sofie Vanrafelghem (auteur, chroniqueuse, fondatrice de Vrouwen en Bier), qui est d’ores et déjà très satisfaite du nombre de femmes membres du jury, qui représente tout de même 20%. « Bien sûr, ce pourcentage pourrait être plus élevé, mais l'organisation a fait de son mieux pour composer un jury équilibré et varié. Saviez-vous du reste que les femmes ont en moyenne 30% de papilles en plus que les hommes ? » Idéal pour déguster de la bière, ce qui, selon Vanrafelghem, est d'un tout autre ordre que la dégustation de vin. « À mon avis, c’est avant tout plus complexe. Par exemple, le houblon est beaucoup plus difficile à reconnaître qu'un cépage. » La bière est devenue une évidence pour les Belges. Nous commandons une ‘Bolleke’ ou une pinte comme si de rien n’était, mais nous ne nous attardons plus sur le grand savoir-faire qu’elle recèle.
Frites et bière
Peu après, je tombe sur Jay Brooks (journaliste et écrivain américain spécialisé dans la bière), particulièrement joyeux, qui m’explique qu'il séjourne à Anvers depuis quelques jours déjà, afin de prendre la température de la ville. « S’il y a une passion qui se rapproche de celle de la bière, c’est bien celle des frites belges ! Elles sont fantastiques ! Frituur No. 1 et Max ont pu me compter parmi leurs clients réguliers ces jours-ci ! », s’exclame Jay en riant. Lorsque je lui demande s’il peut citer une bière anversoise au pied levé, il me raconte une anecdote : Johan Van Dijck (bière Seef) et lui sont presque allés boire un verre avec l’ex-prince Philippe à San Francisco. « Cela ne s’est pas fait à cause du protocole, mais le prince semblait en avoir envie. Prendre un verre avec le futur roi du pays de la bière, ça aurait été une fameuse histoire ! »
Sur une période d'environ trois heures, on me sert bien entendu quelques bières, et il apparaît très vite que nous restons très modestes en matière d’expérimentation. Concombre, basilic, potiron, café, fumé... tout passe en revue. Pas une mince affaire en tant que membre du jury !
Plus d'expérimentation demandée en Belgique
Le Néerlandais Dennis est de mon avis en ce qui concerne l'expérimentation. « Une riche culture brassicole, c’est bien beau, mais en Belgique, il y a trop peu de brasseurs qui ont des couilles. Le changement n'a du reste pas besoin d'être démentiel. Ma préférence revient par exemple aux bières équitables sans addition de sucres ou d’épices. Mais la Belgique expérimente trop peu. » Afin de terminer sur une note positive, il apprécie cependant la brasserie De Koninck. « Leur Wild Jo est exactement comme il se doit. Une belle bière nouvelle, avec un bon marketing, qui plus est. »
Le connaisseur de bière Hans Bombeke
Avant de rentrer à la maison, je demande à Hans Bombeke, président de l’Antwerps BierCollege, comment il a vécu le concours en tant que membre du jury. « Avant, j’étais quelque peu sceptique à l’égard de ces concours », explique-t-il, « mais c’était un honneur que de constater par moi-même que ce concours est parfaitement organisé. Les membres du jury, qui sont assignés aléatoirement à une table, dégustent par catégorie, afin d'éviter le favoritisme... Ce dernier point est en effet très important : en tant que membre du jury, vous devez pour ainsi dire oublier vos préférences et ne regarder que l’excellence technique et le savoir-faire. » A-t-il une bière préférée ? « Cela dépend beaucoup du moment. Je viens tout juste de déguster un stout au café, qui a vraisemblablement été élevé en fûts de chêne : un petit verre après le repas, avec un cigare... il n’en faut pas plus ! »
Anvers et les bières belges cartonnent
Pour la proclamation du Brussels Beer Challenge, dans le sillage de l'équipe d'organisation, le jury s’est rendu à la brasserie De Koninck, où une visite guidée et un lunch les attendaient avant la remise des prix. On pouvait d’ores et déjà noter quelques tendances. Par exemple, la Belgique reste maîtresse chez elle. Toutes les médailles d'or dans les styles traditionnels belges (Gueuze, lambic fruité, saison, triple ...) ont été raflées par des brasseries belges. Avec plus de 1000 bières participantes, dont un nombre important de bières étrangères, il s’avère que le monde brassicole international a adopté le Brussels Beer Challenge.
Reste à savoir comment les bières anversoises s’en sont sorties. Nous pouvons affirmer avec une certaine fierté qu’elles s’en sont plus qu’honorablement tirées. La bière Seef a remporté une médaille d'or dans la catégorie ‘Pale & Amber Ale, Bitter Blond / Golden Ale’, tandis que la Wild Jo a décroché une médaille de bronze dans la catégorie ‘Pale & Amber Ale, Saison’. Une belle conclusion pour un savoureux week-end. Santé !
Coolinary.be // Novembre 2015